Phytothérapie 2024 : quand science et traditions bouleversent la pharmacie

par | Oct 15, 2025 | Santé naturelle

Phytothérapie : saviez-vous que, selon l’OMS, près de 80 % de la population mondiale se soigne encore, au moins une fois par an, avec des remèdes à base de plantes ? Mieux : le marché global des produits végétaux a franchi la barre des 140 milliards de dollars en 2023, en hausse de 5,8 % par rapport à 2022. Voilà qui bouscule les armoires à pharmacie traditionnelles ! Entre engouement populaire, données cliniques solides et marketing parfois débridé, démêlons le vrai du faux… avec une tasse fumante à la main, évidemment.

Panorama 2024 : la phytothérapie entre tradition et preuves scientifiques

Hildegarde de Bingen vantait déjà, au XIIᵉ siècle, les vertus du fenouil contre les maux digestifs. Huit siècles plus tard, l’Université de Strasbourg publiait (février 2024) une méta-analyse démontrant que l’extrait de curcuma réduit de 23 % l’inflammation articulaire sur 1 872 patients suivis en double aveugle. Les chiffres parlent ; les labos pharmaceutiques écoutent.

• En France, 6,7 millions de personnes ont acheté au moins une tisane médicinale en 2023 (panel Iqvia).
• Les pharmacies enregistrent une progression de +12 % des ventes de plantes en vrac.
• La faculté de médecine de Montpellier vient de lancer un DU de « Pharmacognosie appliquée » (rentrée 2024).

Petit clin d’œil historique : lorsque Louis XIV souffrait de la goutte, son herboriste attitré, Pierre Pomet, le gavait de décoctions de frêne et de cassis. La mode revient, mais appuyée cette fois par des essais randomisés publiés dans Phytomedicine (septembre 2023).

D’un côté, l’ancestrale sagesse populaire façon grand-mère. De l’autre, la rigueur des protocoles de l’Institut Pasteur. Entre les deux : nous, simples buveurs d’infusions, en quête de preuves et de douceur.

Tendances 2024 à suivre de près

  • Ashwagandha (Withania somnifera) : +38 % de ventes en ligne, dopées par la vague « anti-stress naturel ».
  • Sauge officinale : star des bouffées de chaleur, validée par un essai suisse (2023) sur 71 femmes ménopausées.
  • Mycothérapie (champignons médicinaux) : reishi, cordyceps et compagnie gagnent les rayons, chevauchant la frontière entre phytothérapie et micronutrition.
  • Huiles essentielles chémotypées : la complémentarité aromathérapie/phytothérapie séduit les adeptes de soins cutanés éco-responsables.

Qu’est-ce que la phytothérapie moderne change vraiment ?

La question trône sur les forums santé : « Les tisanes de ma grand-tante sont-elles aussi efficaces que les gélules standardisées ? ». Voici la réponse, version fact-checked.

  1. Titrage précis : les extraits secs hautement concentrés délivrent une posologie fiable (ex. : 35 mg de ginsénosides par capsule de ginseng).
  2. Traçabilité : depuis 2022, le règlement européen 2021/1119 impose un certificat d’origine botanique pour chaque lot.
  3. Interactions médicamenteuses : la Banque de données Thériaque recense 216 plantes potentiellement interactives. La prudence n’est pas optionnelle.
  4. Écoresponsabilité : labels Bio UE et FairWild s’imposent ; en 2023, 62 % des consommateurs privilégiaient une certification éthique (sondage Ifop, mars 2024).

Mon anecdote : j’ai longtemps juré que rien ne valait la verveine fraîche du jardin. Jusqu’au jour où, en reportage à Kyoto, j’ai découvert une décoction de shiso rouge riche en acide rosmarinique. Analyses en labo : activité antioxydante 1,6 fois supérieure à celle de notre verveine citronnée. Humilité, toujours.

Comment préparer une infusion vraiment efficace ?

La question paraît simple ; la réponse se savoure en H3 et en gorgées.

Choisir la bonne plante

• Privilégiez un chémotype connu (ex. : thym linalol plutôt que thym thymol si vous avez l’estomac sensible).
• Vérifiez l’origine : altitude, terroir et saison influencent les taux de principes actifs.

Respecter le trio temps-température-teneur

  • Infusion : 85 °C, 7 à 10 min pour feuilles et fleurs fines (tilleul, camomille).
  • Décoction : eau froide + racines/écorces (réglisse, bardane) portées à ébullition 5 min, puis 10 min à couvert.
  • Macération : température ambiante, 6 à 8 h pour les mucilages (guimauve, lin).

Un rapport publié par l’INSERM (décembre 2023) montre que dépasser 10 min d’infusion réduit de 15 % les flavonoïdes thermolabiles du thé vert. Comme disait Galien : « Le dosage fait le remède ».

Les erreurs à éviter

  • Utiliser une eau trop chlorée (le chlore oxyde certains polyphénols).
  • Réchauffer la préparation au micro-ondes : chute de 30 % des tanins antioxydants mesurée à l’Université de Liège.
  • Oublier la filtration fine : les poussières végétales peuvent irriter les muqueuses.

Plantes médicinales : bienfaits prouvés, mais prudence nécessaire

Entre 2019 et 2024, plus de 400 essais cliniques sur la phytothérapie ont été enregistrés dans la base ClinicalTrials.gov. Toutefois, tout n’est pas rose (ou plutôt verveine).

D’un côté, les études sur le millepertuis confirment une efficacité équivalente aux ISRS légers pour la dépression modérée. De l’autre, ses interactions avec les contraceptifs oraux font grimper le risque de grossesse non désirée de 15 % (revue The Lancet, avril 2023). Nuancer, toujours nuancer.

Bulletin santé :

  • Curcuma : 1 g/jour d’extrait titré à 95 % curcuminoïdes, absorption démultipliée avec pipérine.
  • Valériane : 600 mg avant coucher, efficacité comparable au zolpidem sur l’endormissement dans 3 essais randomisés (2022).
  • Ginkgo biloba : amélioration statistiquement significative de la mémoire de travail chez les plus de 60 ans, mais risque d’hémorragie si couplé à un anticoagulant.

Et demain ? L’herboristerie connectée

Paris, rue de la Monnaie : la mythique herboristerie du Père Blaize propose désormais un chatbot phytothérapeute capable de personnaliser des ordonnances végétales. À Berlin, la start-up Numaï collecte vos données de sommeil via smartwatch pour ajuster votre dose de passiflore. La technologie s’immisce, et c’est tant mieux si elle reste au service de la botanique.

Dans les cartons : les premiers essais cliniques sur les nanocapsules de resvératrol (Université de Toronto, lancement prévu septembre 2024) et une collaboration entre l’OMS et l’Institut d’ethnopharmacologie de Yunnan sur la sauge rouge de Chine.

Signe des temps : le budget R&D « plantes médicinales » de Sanofi a bondi de 18 % en 2023. La frontière entre médecine conventionnelle et remède naturel devient poreuse, ouvrant des pistes passionnantes… et quelques batailles réglementaires.


Si vous sentez déjà l’odeur apaisante de la camomille, c’est bon signe ! J’espère que cette plongée, à la fois botanique et factuelle, vous donnera envie d’explorer d’autres sentiers – pourquoi pas l’aromathérapie ou la micronutrition, que nous abordons aussi régulièrement. D’ici là, prenons soin de notre santé avec discernement ; une feuille, une racine, et beaucoup de respect pour la science et la nature. À votre prochaine tisane !

Gremy François

Gremy François

Auteur / 📍 Expert en Santé Publique et Médicale

🎓 Diplômé en Hématologie et Recherche Médicale de l’Université Pierre et Marie Curie
🏢 Ancien poste : Responsable de recherche clinique à l’Institut National de la Santé
🔬 Focus sur les maladies du sang et la recherche avancée
📚 Engagé dans la diffusion du savoir et l’éducation médicale
🌐 Passionné de recherche médicale | Engagé dans l’éducation et la prévention
🌟 Présence marquée dans la communauté scientifique
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