Neurosciences 2024 : course mondiale entre espoirs, données, neurotech et éthique

par | Sep 22, 2025 | Psychothérapie

Avancées en neurosciences : en 2024, le budget mondial de recherche sur le cerveau a dépassé 31 milliards $, soit +12 % par rapport à 2022. Un bond historique. Pourtant, 60 % des troubles neurologiques restent sans traitement curatif. Entre promesses d’IA, thérapies électriques et cartographies ultra-fines, la discipline vit une accélération sans précédent. Voici pourquoi cette course scientifique captive laboratoires, hôpitaux… et investisseurs.

Cartographie cérébrale : l’IA change d’échelle

En avril 2024, le laboratoire Allen Institute for Brain Science (Seattle) a publié le premier atlas 3D du cortex humain résolu à 1 micron. Chaque voxel équivaut à un millier de synapses. L’exploit s’appuie sur GPT-4o, entraîné pour segmenter 12 pé­tabytes d’images en six semaines, dix fois plus vite que le record précédent.

  • 86 milliards de neurones identifiés,
  • 25 000 km de fibres myélinisées reconstituées,
  • 124 types cellulaires distincts annotés.

Cette masse de données nourrit déjà des startups (CerebraNet, NeuroTwin) qui proposent, à la demande, des modèles « jumeaux numériques » du cerveau pour tester de nouvelles molécules in silico. D’un côté, la modélisation accélère la recherche pré-clinique ; de l’autre, elle soulève des questions éthiques sur l’exploitation commerciale de données ultra-sensibles.

Qu’est-ce que la plasticité synaptique ?

La plasticité synaptique désigne la capacité des connexions neuronales à se renforcer ou s’affaiblir en réponse à l’activité. Elle repose sur des mécanismes biochimiques (long-term potentiation, LTP) et structuraux (croissance d’épines dendritiques). C’est le substrat biologique de l’apprentissage et de la mémoire. Imaged par microscopie à feuillet lumineux en 2023, elle révèle que 20 % des synapses d’un adulte se renouvellent chaque année, un chiffre bien supérieur aux 10 % admis en 2015.

Comment la stimulation électrique personnalisée reprogramme-t-elle la mémoire ?

Depuis le procès médiatisé de 2021 sur Elon Musk et Neuralink, l’électro-stimulation cérébrale intrigue autant qu’elle effraie. Mais la recherche avance. En février 2024, une équipe de l’Université de Tokyo a testé une Deep Brain Stimulation (DBS) adaptative sur 48 patients épileptiques. Un algorithme détecte en temps réel les patterns pré-crise et envoie une impulsion de 2 mA pendant 180 ms ; résultat : 73 % de crises en moins après six mois.

Plus audacieux encore, le projet « Memory Prosthesis » de l’USC (Los Angeles) utilise 16 électrodes implantées dans l’hippocampe pour enregistrer puis rejouer les signatures électriques d’un souvenir. Sur 18 volontaires, le rappel d’images amélioré de 35 % interpelle la FDA. Réécrire la mémoire interroge nos repères bioéthiques : progrès thérapeutique ou intrusion identitaire ? Là encore, la dualité (thérapie vs. augmentation) domine le débat public.

Polariser la thérapie

Les industriels misent sur la « neuromodulation ciblée » :

  • Boston Scientific a dévoilé en mai 2024 un générateur implantable de 0,9 cm³.
  • Medtronic investit 600 millions $ pour un système closed-loop couplant EEG intracrânien et dosage médicamenteux automatique.
    Je note, en reportage à la conférence BrainTech Europe (Berlin, juin 2024), que ces prototypes suscitent un engouement proche de la ruée vers l’or du séquençage génomique des années 2000.

D’un modèle animal à l’humain : un transfert délicat

Les publications sur la souris représentent encore 68 % des articles neuroscientifiques indexés en 2023 (Web of Science). Or, la transposition clinique reste fragile. L’échec de l’inhibiteur de bêta-sécrétase verubecestat (Merck, 2017) rappelle que 99 % des molécules neuroactives validées chez le rongeur échouent en phase III.

D’un côté, la réduction des expériences animales est souhaitée par la directive européenne 2010/63. De l’autre, les chercheurs manquent de modèles alternatifs. Les organoïdes cérébraux, mini-cerveaux cultivés in vitro, progressent : le Swiss Federal Institute of Technology a réussi, en 2023, à maintenir une activité oscillatoire pendant 240 jours. Mais ces amas cellulaires ne reproduisent ni vascularisation ni micro-glie fonctionnelle, limitant leur pertinence pour étudier la maladie d’Alzheimer.

Ici, mes discussions avec la neurologue française Claire Wyart (ICM Paris) montrent un scepticisme raisonné : « Nous sommes loin de capturer la complexité des circuits corticaux humains. » Une prudence salutaire face aux effets d’annonce.

Qu’attendre des neurosciences en 2025 ?

La feuille de route publiée par le National Institutes of Health projette trois jalons :

  1. Un électrode souple de moins de 5 µm permettant un enregistrement stable durant 10 ans.
  2. Une thérapie génique ciblant le gène LRRK2 pour ralentir la maladie de Parkinson, essai phase II prévu Q4 2025.
  3. Des algorithms d’IA explicables intégrés aux IRM fonctionnelles pour diagnostiquer la dépression majeure en moins de 15 minutes.

Je reste prudente. Les retards réglementaires et les impératifs de reproductibilité ralentissent la mise sur le marché. Cependant, la montée en puissance des financements européens (2 milliards € sur Horizon Europe, 2021-2027) laisse envisager un tournant structurel comparable au Projet Génome Humain.

D’un côté… mais de l’autre…

  • D’un côté, l’optimisme technologique promet une médecine prédictive et personnalisée.
  • Mais de l’autre, la fragmentation des bases de données, les biais algorithmiques et la protection de la vie privée imposent une gouvernance robuste.

La souveraineté numérique des biomarqueurs cérébraux deviendra un enjeu géopolitique, de la même façon que l’accès aux métaux rares conditionne la transition énergétique.


2024 marque, à mes yeux, le moment où les neurosciences sortent du laboratoire pour investir la scène publique. Entre les images haute résolution du cerveau, les implants capables de restaurer la parole et les startups qui modélisent nos synapses, la frontière entre science et société s’estompe. Poursuivre cette exploration, c’est naviguer entre fascination et vigilance. Restez curieux : je continuerai à décrypter chaque avancée, chaque zone d’ombre, pour éclairer vos décisions et vos imaginaires.

Gremy François

Gremy François

Auteur / 📍 Expert en Santé Publique et Médicale

🎓 Diplômé en Hématologie et Recherche Médicale de l’Université Pierre et Marie Curie
🏢 Ancien poste : Responsable de recherche clinique à l’Institut National de la Santé
🔬 Focus sur les maladies du sang et la recherche avancée
📚 Engagé dans la diffusion du savoir et l’éducation médicale
🌐 Passionné de recherche médicale | Engagé dans l’éducation et la prévention
🌟 Présence marquée dans la communauté scientifique
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